Dernier Éveil

2019 – édition imprimée à dix exemplaires, sérigraphie sur tissu, soixante-dix pages 13x18cm

Les premiers textes de Jeanne Benameur me sont parvenus au hasard dans une librairie de Ménilmontant, sans recherche particulière d’ouvrage. Auteure Française née à Ain M’lila en 1952, elle connaît à l’âge de 5 ans l’exil, lorsque sa famille quitte l’Algérie pour s’installer en France. La Géographie absente publiée en 2017 aux Editions Bruno Doucey s’est greffée à mon voyage vers la Turquie. À mon retour, je retrouve la langue singulière de Benameur à travers d’autres ouvrages : L’exil n’a pas d’ombre (2019) et De bronze et de souffle, nos coeurs (2015) aux côtés du plasticien Rémi Polack , révèlent la parole étendue de l’auteure dont le cri muet s’essouffle sur le papier.

À travers ses récits poétiques, elle évoque l’exil de la langue maternelle, l’exil du corps, la recherche ininterrompue de la langue singulière mais aussi des lieux où l’on trouve sa place dans une langue. Benameur parle de « territoire du poème ». Il est une clé, un écrit qui tient dans la main, un lieu successif de vide et de plein. Par le choix de l’écriture poétique, l’auteure engage une vibration autour de chaque mot, une mise en route, une pérégrination dans la lecture, un «au-delà» du texte.

Sur des territoires où la langue m’est étrangère, je reviens à l’écriture. Dernier Éveil est un dialogue entre trois poèmes de Benameur et le mien, étirés dans le temps, où la matière du texte se prolonge au-delà de mes écrits. Porté par l’écriture de Benameur dont les mots résonnent avec justesse, l’espace qu’est le territoire du poème permet une double lecture. Les écrits, sans se confondre, se suivent et se répondent, font écho. Rythmés par leur croisement au verso, la langue, les lieux et les temps s’entremêlent, les écrits se retrouvent, reviennent à la surface . La matière s’étend, se rétracte, au rythme d’une respiration. C’est exprimer le rapport tendu entre la langue et le corps, le lien fondamental entre la chair et l’écriture. C’est une lecture plurielle où nous revenons, le regard nettoyé, au seuil d’une lente traversée .